Lors de ma visite de la première rétrospective française de l’artiste américain Larry Clark organisée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, la première chose qui me soit venue à l’esprit est de me demander qu’est-ce qui poussait les gens, les vieux comme les jeunes, à se déplacer en masse pour cette exposition ? Est-ce pour la fascination que peuvent susciter les images crues, de sexe, de drogue, de violence ou de mort, choses à laquelle le public serait évidemment confronté en allant voir Larry Clark? Ces thèmes sont inévitables lorsqu’on évoque la jeunesse désoeuvrée américaine, ou est-ce du à la montée du buzz médiatique provoquée par l’interdiction de cette exposition aux moins de 18 ans ? Depuis l’affaire juridique opposant les organisateurs de l’exposition Présumé innocents au CAPC de Bordeaux, qui proposait de traiter du thème de l’enfance et l’art contemporain, et l’association La Mouette de protection de l’enfance, les institutions publiques demeurent craintives. En interdisant l’exposition de Larry Clark aux mineurs, la ville de Paris semble vouloir se prémunir contre une future mise en justice. Cette décision est regrettable dans la mesure où elle apporte du crédit aux réactionnaires qui contribuent à maintenir la morale au détriment de l’art et de la liberté d’expression. Cela est d’autant plus vrai, que cette exposition devrait s’adresser en priorité aux adolescents. En effet, même si elle peut paraître choquante, ce qui n’est pas complètement inutile lorsqu’on parle aux jeunes, l’efficacité des différentes campagnes de la Sécurité routière l’ont démontré maintes fois, cette exposition leurs propose d’être confronté sans tabou aux préoccupations qui les touchent directement et ne les laisseraient sans doute pas indifférents. Cette interdiction m’apparaît encore plus ridicule, car les adolescents sont de plus en plus en contact avec des images violentes et pornographiques. Avec Internet, elles font presque parties de leurs quotidiens. Dès lors, je me demande si cette interdiction n’a pas été décidée uniquement pour exciter les médias et provoquer le buzz indispensable pour attirer la foule.
D’ailleurs, le public qui s’y rend uniquement pour voir ces images si dérangeantes qu’elles ont été interdites aux mineurs, seront déçus par la première salle. Désabusés, ils se retrouveront devant des portraits de bébés ou des mises en scène ridicules et risibles de chiens et chats. En effet, l’artiste a choisi pour la première fois de présenter les travaux de sa mère. Ces clichés stéréotypés de la bourgeoisie américaine des années cinquante ont la vertu de bien introduire son propre travail. Dans un élan de révolte et d’insoumission, Larry Clark s’est sans doute rebellé contre la complaisance si chère aux travaux de sa mère et à la société américaine.
Cette exposition a le mérite de nous faire découvrir le travail de cet artiste-cinéaste plus connu pour ses films que ses photographies. Justement, l’intérêt de cette rétrospective qui couvre plus de quarante ans du travail de Larry Clark, réside dans ce parallèle entre le médium photographique et celui du film. La photographie, jouant avec la série et la répétition, emprunte ici la puissance de l’image en mouvement. Ceci apparaît de manière évidente avec l’immense oeuvre Larry Clark 1992 dans laquelle on voit une multitude de photographie prises en studio, rapidement, les unes après les autres, d’un même modèle, qui dans un élan suicidaire s’ouvre les veines. Les images très fortes et choquantes semblent défilées sous nos yeux comme dans un film.
Je tiens à rassurer les jeunes fans de Larry Clark, âgés de moins de 18 ans, qui ne pourront pas se rendre à l’exposition que, si celle-ci nous fait découvrir son travail de photographe, elle n’apportent rien de plus à la compréhension de son univers, particulièrement à ceux qui connaissent ces films. Aussi, je conseillerais aux adolescents mineurs, à ceux qui n’aiment pas la foule et tout simplement à ceux qui veulent découvrir Larry Clark, de louer ses films qui ont fait sa célébrité, notamment Kids (1995) ou Ken Park (2000), ils découvriront avec beaucoup plus d’intensité les travaux de cet artiste phare de la contre-culture américaine.
Larry Clark Kiss the past hello
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris/ARC
Jusqu'au 2 janvier 2011
Arturo